Par Antoine Bachelin Sena.
Sommaire:
- Introduction
- Un parcours intellectuel hors norme.
- Les débuts et l’essor de sa notoriété.
- Une influence majeure sur le conservatisme brésilien.
- Le contexte brésilien : un terreau fertile.
- Une philosophie de la liberté et du combat.
- Un itinéraire spirituel riche et complexe.
- Un système éducatif et une vision globale.
- Une maîtrise encyclopédique de la philosophie.
- Une critique audacieuse de la modernité.
- Une sensibilité unique : de l’ésotérisme à la théologie.
- Conclusion sur son héritage vivant.
Introduction.
Philosophe brésilien contemporain, décédé le 24 janvier 2022 à l’âge de 74 ans – paix à son âme –, Olavo Luiz Pimentel de Carvalho était un esprit d’une envergure exceptionnelle, un penseur autodidacte dont l’influence dépasse largement les frontières du Brésil.
Sa disparition a marqué la fin d’une époque, mais son héritage intellectuel continue de vibrer avec une intensité rare, tant par sa profondeur philosophique que par son impact concret sur la société brésilienne et internationale.
C’était un homme qui, par la puissance de sa pensée et la clarté de sa pédagogie, a non seulement façonné un mouvement politique, mais aussi redéfini la manière dont des dizaines de milliers de personnes comprennent le monde.
Explorer son œuvre et sa vie, c’est s’immerger dans une aventure intellectuelle unique, où philosophie, politique, spiritualité et quête de vérité s’entrelacent dans une harmonie saisissante.
Un parcours intellectuel hors norme.
Olavo Luiz Pimentel de Carvalho est né le 29 avril 1947 à Campinas, dans l’État de São Paulo, au sein d’une famille modeste. Dès son enfance, il se distingue par une curiosité insatiable et une passion dévorante pour la lecture. Contrairement aux intellectuels formés dans les circuits universitaires traditionnels, Olavo n’a jamais suivi ce chemin.
Il racontait souvent avec fierté avoir abandonné ses études secondaires pour se consacrer à un apprentissage solitaire, plongeant dans les bibliothèques, les librairies d’occasion et les textes fondateurs qu’il découvrait par lui-même. Cette approche autodidacte est au cœur de son identité : loin des institutions académiques, qu’il jugeait souvent sclérosées par des dogmes idéologiques, il a bâti son savoir à la force de sa volonté, guidé par une quête personnelle et inflexible de la vérité.
Son érudition était stupéfiante.
Il maîtrisait un éventail de langues impressionnant – portugais, anglais, français, espagnol, allemand, latin, grec – lui permettant de lire dans le texte original les grandes œuvres de la pensée humaine. Il pouvait discourir avec une aisance déconcertante sur les présocratiques comme Héraclite ou Parménide, analyser les subtilités métaphysiques d’Aristote ou de Platon, explorer la scolastique médiévale avec Thomas d’Aquin ou Augustin, décortiquer les systèmes modernes de Descartes, Kant, Hegel ou Nietzsche, et commenter avec précision les développements contemporains, qu’il s’agisse de la philosophie analytique ou de l’existentialisme.
Mais son savoir ne s’arrêtait pas là : il s’étendait à l’histoire, à la littérature, à la théologie, à la psychologie, et même à des disciplines moins conventionnelles comme la métaphysique traditionnelle ou les sciences ésotériques. Cette interdisciplinarité faisait de lui un penseur « planétaire », capable de tisser des ponts entre les époques, les cultures et les domaines du savoir avec une vision globale et cohérente.
Les débuts et l’essor de sa notoriété.
Olavo a commencé à se faire un nom dans les années 1970 et 1980, d’abord en tant que journaliste et critique culturel. Il collabore à des journaux prestigieux comme Folha de S.Paulo ou O Globo, où ses articles, à la fois érudits et incisifs, attiraient l’attention par leur originalité et leur audace.
À cette époque, le Brésil traversait une période tumultueuse : la dictature militaire (1964-1985) venait de prendre fin, laissant un pays divisé entre une droite conservatrice, souvent associée au régime, et une gauche marxiste en pleine effervescence. Olavo se positionne comme un observateur critique, refusant de s’aligner sur les camps établis et dénonçant les dérives idéologiques qu’il perçoit des deux côtés.
C’est cependant à partir de la fin des années 1990 que sa notoriété a pris une ampleur nouvelle, portée par l’avènement d’internet. En 2005, il s’exile aux États-Unis, s’installant en Virginie, où il continue son œuvre loin des tumultes brésiliens. Depuis ce refuge, il utilise les plateformes numériques pour diffuser ses idées avec une efficacité remarquable : vidéos YouTube, podcasts, articles en ligne, et surtout son Seminário de Filosofia, un cours de philosophie extrêmement détaillé et en même temps didactique qu’il a animé pendant plus de vingt ans.
Ces séminaires, suivis par des milliers d’étudiants au fil des décennies, sont une expérience unique et vivifiante. Olavo propose une relecture intégrale de l’histoire de la philosophie, depuis les origines grecques jusqu’aux débats contemporains, en montrant comment les idées anciennes éclairent les enjeux modernes – qu’il s’agisse de politique, de culture ou de spiritualité.
Sa pédagogie était d’une clarté et d’une profondeur exceptionnelles. Loin des exposés arides des salles de cours universitaires, il rendait la philosophie vivante, accessible, presque palpable. Il expliquait Platon en le reliant aux dilemmes éthiques d’aujourd’hui, analysait Kant en l’appliquant aux dérives de la modernité, et utilisait Aristote pour déconstruire les idéologies collectivistes.
Ce faisant, il séduit un public jeune, souvent désorienté par la domination de la gauche dans les sphères culturelles et académiques brésiliennes, et en quête d’une pensée alternative capable de leur donner des repères solides.
Une influence majeure sur le conservatisme brésilien.
L’une des raisons principales pour lesquelles Olavo de Carvalho captive autant est son rôle déterminant dans la transformation du paysage politique et intellectuel brésilien.
Il est largement reconnu comme l’architecte du mouvement conservateur moderne au Brésil, un courant qui a gagné en puissance dans les années 2010 et qui a atteint son apogée avec l’élection de Jair Messias Bolsonaro à la présidence en 2018. Olavo est un bâtisseur d’idées qui a offert à la droite brésilienne une cohérence théorique et une profondeur qu’elle n’avait jamais eues auparavant.
Avant son émergence, le conservatisme brésilien était souvent perçu comme une force instinctive, enracinée dans les traditions religieuses et rurales du pays, mais dépourvue d’une véritable armature philosophique. Les élites intellectuelles, dominées depuis les années 1960 par une gauche influencée par le marxisme et les théories postcoloniales, regardaient ce conservatisme populaire avec condescendance, le reléguant au rang de vestige du passé. Olavo a renversé ce paradigme.
Il a doté ce mouvement d’une « colonne vertébrale intellectuelle« , en puisant dans les ressources de la philosophie classique, de la théologie chrétienne et d’une critique systématique des idéologies modernes. Ses élèves, qu’il surnomme avec affection ses « olavettes« , ont porté ses idées dans les sphères politiques, journalistiques, éducatives et même religieuses, transformant un courant diffus en une force organisée.
Son influence reposait sur plusieurs piliers:
D’abord, une défense sans compromis des valeurs traditionnelles – la famille, la foi chrétienne, la souveraineté nationale – face à ce qu’il percevait comme une offensive globaliste visant à dissoudre les identités culturelles.
Ensuite, une célébration de l’individu contre toutes les formes de collectivisme, une idée qu’il développait avec une passion presque existentielle, inspirée par des penseurs comme Kierkegaard ou les stoïciens.
Enfin, une critique rigoureuse du « marxisme culturel« , qu’il voyait comme une stratégie insidieuse pour saper les fondements de la civilisation occidentale par l’infiltration des institutions – éducation, médias, arts.
Ces thèmes ont résonné dans un Brésil en crise, secoué par la corruption massive révélée par l’opération Lava Jato (sous les gouvernements du Parti des travailleurs de Lula et Dilma Rousseff), l’insécurité galopante et un sentiment de dérive morale.
Le contexte brésilien : un terreau fertile.
Pour saisir pleinement l’impact d’Olavo, il faut plonger dans le contexte spécifique du Brésil. Contrairement à des pays comme la France, où la laïcité et l’héritage des Lumières ont profondément sécularisé la société, le Brésil reste une nation imprégnée de christianisme.
Selon les données de l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), environ 65 % des Brésiliens se déclarent catholiques en 2020, tandis que les églises évangéliques, en pleine expansion, rassemblent une part croissante de la population, dépassant les 30 %.
Cette religiosité, combinée à une méfiance envers les élites urbaines de São Paulo ou Rio de Janeiro – souvent perçues comme cosmopolites et déconnectées –, a créé une sensibilité conservatrice profondément enracinée dans le peuple brésilien.
Olavo n’a pas inventé ce conservatisme : il l’a compris, structuré et élevé à un niveau intellectuel inédit. Il a transformé une intuition populaire – le rejet du progressisme, la défense des valeurs familiales, l’attachement à la foi – en un projet politique et philosophique cohérent.
Ce faisant, il a donné une voix à des millions de Brésiliens qui se sentaient marginalisés par le discours dominant des universités, des médias et des cercles culturels, où la gauche régnait en maître depuis des décennies.
Ce terreau conservateur était d’autant plus réceptif que le Brésil porte en lui le souvenir d’une menace communiste bien réelle.
Dans les années 1960 et 1970, sous la dictature militaire, des groupes de guérilla marxistes comme l’Action populaire (AP), le Parti communiste brésilien (PCB) ou le Commando de libération nationale (COLINA) ont tenté de renverser le régime par la violence. Ces mouvements, parfois soutenus par Cuba et entraînés à la lutte armée, ont perpétré des attentats, des braquages de banques et des enlèvements, laissant une marque durable dans la mémoire collective.
Plus tard, dans les années 1980 et 1990, des liens supposés entre certains secteurs de la gauche brésilienne – notamment le Parti des travailleurs (PT) – et des réseaux criminels comme le PCC ou des régimes autoritaires comme celui de Fidel Castro ont alimenté les craintes d’une résurgence communiste.
Olavo a su capter cette angoisse historique pour mobiliser ses partisans, affirmant que la menace n’avait jamais disparu, mais s’était simplement métamorphosée, en expliquant que les communistes se sont déguisés en socialistes et ont infiltré selon la stratégie Gramscienne toutes les sphères de la société.
Une philosophie de la liberté et du combat.
Au cœur de la pensée d’Olavo de Carvalho se trouve une conviction profonde : la philosophie n’est pas une discipline abstraite, mais un outil de combat pour la liberté et la vérité. Dès ses premiers ouvrages, comme O Imbecil Coletivo (1996) – un best-seller au Brésil –, il s’attaque à ce qu’il nomme la « bêtise collective » : le conformisme aveugle, le suivisme intellectuel qui étouffe la raison et la capacité de l’individu à penser par lui-même.
Ce livre, écrit dans un style percutant et souvent ironique, est une charge contre les élites culturelles brésiliennes, qu’il accusait de sacrifier la vérité à des idéologies stériles, en particulier le marxisme et ses dérivés.
Cette quête d’autonomie intellectuelle s’accompagne d’un anti-communisme féroce, qui constitue le fil conducteur de son œuvre. Pour Olavo, le communisme n’était pas une relique historique, mais une idéologie vivante, protéiforme, et toujours dangereuse.
Il distinguait deux visages de cette menace : le communisme classique, celui de Marx, Lénine ou Staline, avec ses révolutions sanglantes et ses régimes totalitaires ; et le « marxisme culturel », une stratégie plus subtile qu’il attribuait à des penseurs comme Antonio Gramsci, Herbert Marcuse ou l’École de Francfort. Selon lui, ce marxisme culturel visait à conquérir les esprits par une hégémonie culturelle, en infiltrant l’éducation, les médias, les arts et même les Églises, pour dissoudre les valeurs judéo-chrétiennes et préparer le terrain à un ordre collectiviste mondial.
Au Brésil, Olavo voyait dans le Parti des travailleurs (PT), au pouvoir de 2003 à 2016, une incarnation de cette menace. Il accusait Lula et ses alliés de poursuivre un agenda socialiste déguisé, en s’appuyant sur des réseaux internationaux et des pratiques corruptrices révélées par des scandales comme le Mensalão ou le Petrolão.
Mais son combat dépassait le cadre national : il dénonçait aussi les dérives progressistes en Occident – le « wokisme », les revendications identitaires (LGBT, féminisme radical), le multiculturalisme forcé – qu’il considérait comme des prolongements du même projet communiste, adapté aux temps modernes.
Cette vision, qu’il défendait avec une rhétorique flamboyante et une érudition impressionnante, faisait de lui un éclaireur pour ceux qui partageaient son diagnostic sur la crise de la civilisation.
Un itinéraire spirituel riche et complexe.
Le parcours personnel d’Olavo est aussi captivant que sa pensée.
Dans les années 1960, jeune homme dans un Brésil en pleine effervescence révolutionnaire, il est attiré par le communisme. Il milite dans des cercles de gauche, lisant avec avidité Marx, Engels, Lénine et les théoriciens du socialisme latino-américain. Cette immersion lui donne une connaissance intime de l’idéologie marxiste, qu’il utilisera plus tard pour la démonter avec une précision chirurgicale.
Mais dès les années 1970, déçu par la rigidité dogmatique, les dérives autoritaires et la corruption du communisme, il rompt avec ces idées, entamant une quête spirituelle et intellectuelle qui le mènera sur des chemins inattendus.
Dans les années 1980, Olavo découvre la philosophia perennis, une doctrine développée par des penseurs comme René Guénon et Frithjof Schuon, qui postule l’existence d’une vérité métaphysique universelle sous-jacente à toutes les traditions religieuses – hindouisme, bouddhisme, islam, christianisme.
Fasciné par Guénon, dont il admirait la critique radicale de la modernité matérialiste, il plonge dans les textes sacrés et les commentaires ésotériques, étudiant aussi bien les Upanishads que la mystique soufie ou les Pères de l’Église. Cette exploration le conduit à rejoindre une confrérie soufie au Brésil, une branche mystique de l’islam axée sur l’initiation, la méditation et la quête intérieure. Cette période témoigne de son intérêt pour les dimensions transcendantes du savoir, au-delà des cadres rationnels étroits.
Parallèlement, Olavo se passionne pour l’astrologie, qu’il pratique et enseigne pendant plusieurs années. Il y voyait une science des cycles cosmiques, un moyen de comprendre l’interaction entre le ciel et l’histoire humaine, dans la lignée des traditions hermétiques et des lectures de Guénon.
Cette phase prend fin dans les années 2000, lorsqu’il se convertit au catholicisme, une étape décisive qui ancre définitivement sa pensée dans une vision chrétienne du monde. Ce retour à la foi de son enfance – qu’il avait côtoyée sans jamais s’y engager pleinement – n’était pas un reniement de ses explorations précédentes, mais leur aboutissement : il voyait dans l’Église catholique un rempart contre le nihilisme moderne et une synthèse des vérités qu’il avait cherchées ailleurs.
Un système éducatif et une vision globale.
L’œuvre d’Olavo de Carvalho ne se limite pas à la politique ou à la philosophie au sens étroit : elle constitue un véritable système éducatif, une méthode pour penser le réel dans toute sa complexité.
Ses cours de philosophie, qui attiraient des étudiants du monde entier, étaient conçus comme une initiation à la fois intellectuelle et spirituelle.
Il ne s’agissait pas seulement d’apprendre des concepts, mais de développer une conscience critique, une capacité à relier les savoirs – histoire, métaphysique, politique, psychologie – dans une vision unifiée.
Il enseignait, par exemple, comment la dialectique hégélienne pouvait éclairer les stratégies de pouvoir contemporaines, ou comment la morale aristotélicienne offrait une alternative aux dérives utilitaristes de la modernité.
Ce système reposait sur une conviction : la vérité est une, mais elle se révèle à travers une multitude de perspectives.
Olavo incarnait cette idée par sa propre vie : il était à la fois un métaphysicien explorant les mystères de l’être, un polémiste dénonçant les illusions de son temps, et un pédagogue guidant ses élèves vers l’autonomie.
Ses livres, comme O Jardim das Aflições (1995), qui analyse l’histoire des idées à travers une critique de la modernité, ou A Nova Era e a Revolução Cultural (1994), qui décortique les racines idéologiques du progressisme, sont des monuments de rigueur et de lucidité. Ils allient une érudition impressionnante à une prose vivante, parfois mordante, qui capte l’attention et provoque la réflexion.
Une maîtrise encyclopédique de la philosophie.
Ses travaux sur Platon, par exemple, explorent la théorie des Idées non comme une abstraction désuète, mais comme une clé pour comprendre la structure métaphysique de la réalité – une approche qu’il appliquait ensuite aux débats modernes.
Avec Aristote, il s’attardait sur la logique, la physique et l’éthique, montrant comment ces concepts restent pertinents pour analyser les dérives contemporaines.
Il a également écrit sur Machiavel, offrant une interprétation nuancée de ses idées sur le pouvoir, loin des caricatures habituelles, et soulignant leur actualité dans les luttes politiques d’aujourd’hui.
Ce qui frappe particulièrement, c’est sa maîtrise de la pensée du Moyen Âge, une période qu’il a étudiée avec une passion et une érudition rares parmi les philosophes contemporains.
Il connaissait intimement des figures comme saint Augustin, dont il admirait les réflexions sur le temps et la grâce, ou saint Thomas d’Aquin, dont il analysait les Sommes avec une clarté pédagogique exceptionnelle.
Il s’intéressait aussi aux penseurs moins connus, comme Duns Scot ou Bonaventure, et aux débats complexes de la scolastique – par exemple, la querelle des universaux ou la relation entre foi et raison.
En France, on pourrait penser à des historiens comme Étienne Gilson, qui a exploré le thomisme, mais leur approche reste souvent académique.
Olavo, lui, faisait vivre ces idées, les intégrant dans une réflexion dynamique sur les problèmes actuels – la crise de la modernité, la perte des valeurs, les illusions du progrès.
Cette attention portée au Moyen Âge est un acte de justice envers une période colossale de l’histoire intellectuelle occidentale.
Pendant plus de mille ans, de la chute de l’Empire romain en 476 à la Renaissance au XVe siècle, cette époque a produit des sommets de pensée qui ont façonné notre civilisation – des concepts comme la personne, la loi naturelle ou l’unité du savoir.
Pourtant, dans les universités occidentales, elle est largement ignorée, reléguée à une parenthèse obscure.
En France, dans l’enseignement secondaire, on n’en voit que des bribes : un extrait des Confessions de saint Augustin, une mention rapide de saint Thomas chez Descartes.
Olavo, lui, connaît les subtilités des débats médiévaux – comme la distinction entre essence et existence – et les mobilise pour critiquer la pensée contemporaine, révélant ainsi une continuité précieuse dans l’histoire de la pensée.
Une critique audacieuse de la modernité.
La démarche philosophique d’Olavo repose sur une force fondamentale : il utilisait les idées des Anciens – Grecs (Socrate, Platon, Aristote), Romains (Sénèque, Cicéron) et médiévaux – pour diagnostiquer et défier les illusions de notre époque.
Sa critique de la pensée moderne, de Descartes à nos jours, est ancrée dans cette compréhension profonde. Pour lui, la modernité a rompu avec une vision intégrale du réel, remplaçant une sagesse enracinée par des abstractions réductrices.
Cette rupture, qu’il attribuait à des tournants comme le rationalisme cartésien ou le subjectivisme kantien, a conduit à une perte du « sens de la réalité« , un thème central de son œuvre que nous explorerons dans d’autres articles.
Ce regard n’était pas nostalgique : il était stratégique, visant à restaurer des bases saines pour penser le monde actuel.
Prenons la science, par exemple. Olavo n’était pas un simple commentateur : il était un critique lucide et informé de la science moderne. Il avait étudié son histoire avec minutie, depuis ses origines au XVIe siècle avec Copernic, Galilée ou Francis Bacon, jusqu’aux avancées du XXe siècle avec Einstein ou Heisenberg.
Il ne rejetait pas ses prouesses techniques, mais en dénonçait les limites : son réductionnisme, qui ramène la réalité à des lois mathématiques, néglige une compréhension plus large de l’être.
Il montrait comment Descartes, avec sa séparation entre esprit et matière, ou Kant, avec son idéalisme, avaient pavé la voie à une science déconnectée du réel.
Cette critique s’étendait à la philosophie moderne. Olavo reprochait à des penseurs comme Descartes, Hobbes, Kant ou Hegel d’avoir brisé une harmonie ancienne entre l’homme, le cosmos et la vérité.
Il opposait le vitalisme médiéval – un monde vu comme une unité vivante – au rationalisme desséchant des modernes.
Ces ruptures ont influencé la science, la politique, la morale et la culture, créant un monde où l’homme, coupé de ses racines, ne perçoit plus la profondeur des choses.
Cette perte du sens de la réalité, fruit d’erreurs philosophiques depuis la Renaissance, expliquait selon lui la montée des idéologies modernes – marxisme, positivisme, relativisme – qui obscurcissent la vérité.
Ce diagnostic, brillamment articulé, interpelle tous ceux qui s’interrogent sur la crise de l’Occident.
Sa connaissance des traditions intellectuelles était inégalée. Il maîtrisait la pensée française (Descartes, Pascal, les Lumières, Sartre), la pensée anglaise (Hobbes, Locke, Hume), et la pensée italienne (Vico, Croce).
Il avait une affection particulière pour la scolastique tardive ibérique – Francisco Suárez, Luis de Molina – qu’il explorait avec enthousiasme, inspirant à découvrir cette période méconnue.
Une sensibilité unique : de l’ésotérisme à la théologie.
Olavo a conservé des traces de son passage par l’astrologie, non dans une pratique persistante, mais dans une sensibilité qui transparaît dans son intérêt pour la cosmologie et sa critique audacieuse de la cosmologie contemporaine.
Cette dimension reflète une vision où l’ordre universel et les structures profondes de la réalité sont essentiels.
Son expérience ésotérique a aiguisé son regard, lui offrant une perspective originale sur la science et la philosophie. Nous y reviendrons dans d’autres articles, car cet aspect éclaire sa méthode.
Au-delà, Olavo excellait dans des domaines variés qu’il transmettait avec passion : la littérature, la théologie et l’histoire des idées.
Il mettait en lumière Otto Maria Carpeaux et son Histoire de la littérature occidentale, une synthèse magistrale qu’il a contribué à faire connaître.
Influencé par son passé ésotérique, il voyait dans les œuvres de Dostoïevski ou Dante des vérités universelles, des fenêtres sur l’âme et le cosmos.
En théologie, il explorait les traditions orientales (hindouisme, bouddhisme, islam soufi) et le christianisme, qu’il a embrassé pleinement après sa conversion au catholicisme.
Il maîtrisait les Pères de l’Église, les scolastiques et les encycliques modernes, les analysant comme des sources vivantes pour contrer la sécularisation.
Dans l’histoire des idées, il retraçait l’évolution des concepts, diagnostiquant les erreurs qui ont conduit à la crise actuelle et revenant à Socrate pour reconstruire une pensée ancrée dans le réel.
Conclusion sur son héritage vivant.
Son influence sur la droite brésilienne est incontestable : il a transformé un mouvement instinctif en une force intellectuelle capable de défier la gauche sur son terrain.
Ses élèves perpétuent ses idées dans la politique, le journalisme, l’éducation et la culture, assurant la pérennité de son projet.
Mais son impact dépasse le Brésil. Par sa critique universelle des idéologies modernes, il s’adresse à tous ceux qui cherchent à résister au conformisme.
Sa vocation de professeur était au cœur de son œuvre.
Ses séminaires, soixantaine de livres (O Imbecil Coletivo, O Jardim das Aflições) et vidéos sur les réseaux sociaux visaient à instruire et à provoquer la réflexion.
Cette pédagogie allait de pair avec une combativité sans relâche : il engageait des polémiques contre le marxisme, le progressisme ou le relativisme, toujours avec une argumentation solide.
Philosophe engagé, il cherchait à transformer le monde en réveillant les consciences.
En somme, Olavo est une figure titanesque, dont les champs d’investigation témoignent d’une ambition rare : saisir le réel dans sa complexité.
Son regard sur l’histoire, sa critique de la modernité et sa synthèse des savoirs en font un penseur exceptionnel, méconnu dans le monde francophone.
Cette introduction n’est qu’un début : sa vision de la science, sa lecture de la littérature et bien plus encore méritent d’être explorés dans d’autres articles.