More

    L’imprévisible puissance du refoulement

    Une réflexion au-delà des slogans

    Ce billet est volontairement trop long pour ceux qui veulent toujours qu’on analyse le monde sur X en punchlines et qu’on le sauve en 4 lignes. C’est une réflexion qui selon moi nécessite de sortir des slogans rigolards et du prêt-à-penser au format Snack.

    Un malaise collectif et une purge inévitable

    En tombant par hasard sur ces extraits qui circulent, accompagnés par la sidération de l’écrasante majorité de l’audience qui ne sait plus comment exulter son malaise et même, son dégoût, j’avoue moi-même ressentir une forme de vertige. Ces images pourraient n’être qu’anodines, et pourtant elles me hantent.

    Concrètement je vais tenter d’expliciter pourquoi elles résument tout, et rendent la purge inévitable – et pourquoi les livres d’Histoire du siècle prochain diront qu’elle fut violente.

    Le rôle des pervers dans la manipulation des foules

    Innombrables sont les reprises de cette séquence, extraite d’un talk qui ressemble à une partouze en EHPAD sous Prozac périmé, dans le Pavillon des cancéreux à qui on aurait fourgué des animateurs de supermarché pour leur remonter le moral.

    Séquence qui comme tant d’autres d’ailleurs, sur le Service Public, laissent sans voix. Chacun rivalise donc ici sur X, d’analyse ou de bons mots, de diatribes ou de formules satiriques pour tenter de définir, pour l’exorciser, cette moisissure intellectuelle qui putréfie sur cette charogne engloutie dans le formol de nos impôts qu’est le PAF. Production Avachie Française.

    Toute la perversité de ce processus, c’est que nous ressentons une colère que nous nous imposons de réprimer pour rester civilisés, d’où sa traduction en saillies rhétoriques : c’est un mécanisme de sublimation.

    Parce que nous savons qu’elle nous sera reprochée si nous la laisser éclater, cette colère.

    Le mécanisme de perversion sociale

    Et nous avons bel et bien intériorisé le caractère impérieux du refoulement : toute manifestation bestiale nous serait socialement fatale.

    Ils sont le verglas, et là, ils nous forcent à nous déchausser, et nous badigeonnent la plante des pieds avec de la vaseline pour s’assurer qu’on ne puisse plus contrôler nos dérapages.

    Mais blague à part : c’est le propre des pervers que de fabriquer ce genre de patinoire. Voilà pourquoi cet exemple symbolise tout le reste. Vous allez comprendre.

    Que font les pervers, les vrais, les plus doués ? – Les pervers jouent au jeu du chat et de la souris avec les émotions de leurs victimes.

    Ils les exaspèrent par des mécanismes vicieux sans se départir d’un discours vertueux, parce qu’ils attendent patiemment ce moment où l’abcès va éclater dans une compulsion de fureur induite par leurs techniques de dissonances cognitives et autres injonctions contradictoires.

    Cet éclatement crée pour eux le scénario idéal :

    Toute effusion de rage est alors animalisée, diabolisée, psychiatrisée. Même la critique légitime est d’ailleurs réduite à un accès de dénigrement compulsif, si ce n’est de fascisme coupable.

    La littérature est d’ailleurs féconde sur ce thème : c’est bien parce qu’il faut patiemment décrire ce processus sur de nombreuses pages pour rendre compte du niveau de sophistication et de subtilité qui est la marque des pervers – et décortiquer les non-dits.

    L’instrumentalisation de la médiocrité médiatique est en soi une ingénierie sociale.

    En somme le mécanisme ultime de la perversité consiste à faire accuser son chien de la rage pour s’arroger le droit de l’abattre collectivement. C’est le cœur de la politique crasseuse, si ce n’est de toute manipulation politicienne exploitant les failles démocratiques.

    C’est ainsi que les ingénieurs sociaux ont découvert la puissance facilitante de la médiocrité médiatique : non seulement elle permet de maintenir les imbéciles dans leur imbécillité, mais tous ceux qui se situent dans la vaste zone grise entre la bêtise et l’intelligence sont maintenus dans une forme d’anesthésie mentale qui engourdit l’esprit critique, toute réaction suspecte pouvant faire l’objet d’une exclusion sociale plus ou moins perceptible.

    La victimisation permanente : l’atout majeur du clergé médiatique

    Principal support de cette médiocrité qui empêche tout émergence de transcendance collective, et garantit ainsi pour un temps le règne et la prospérité de la caste au pouvoir : la victimisation permanente des minorités.

    À partir de ce prisme on peut diaboliser n’importe qui, n’importe quel mouvement du moment qu’il réagit à la bêtise médiatique – c’est un piège béant que bcp sont incapables de percevoir. « Qu’on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme, j’y trouverai de quoi le faire pendre » – dit-on en attribuant cette sentence à Richelieu. N’importe quelle idée formulée pour tenter de décaper le réel, pour tenter de le déchiffrer sous les oripeaux du clergé bien-pensant serait une parfaite source de diabolisation.

    À partir du moment où tout le monde est victime de quelque chose, non seulement on entretient le show sensationnaliste à outrance sans le moindre temps mort, mais on peut systématiquement discréditer n’importe quel opposant qui aurait le malheur de rappeler les véritables préoccupations du peuple pris dans son ensemble, condamner n’importe quelle pensée qui voudrait, par exemple, tenir compte de son histoire et de sa culture.

    Dans un monde d’opprimés, vous êtes obligatoirement l’oppresseur d’un autre.

    Moralité : quand ils sont en échec et à court d’arguments, les idiots utiles de ce régime se retrouvent autour d’une table ronde et ça donne ce genre de séquence d’une insondable nullité.

    Derrière les pantins malgré eux, il y a des stratèges. Ce n’est pas si involontaire que cela : c’est une provocation consubstantielle au régime. Ils se gaussent que nous les critiquions : car alors, c’est nous qui devenons les contempteurs du brave petit peuple-étalon qui leur sert d’audience.

    Une fois que vous parvenez à nommer la bêtise ambiante « bien-pensance », vous pouvez alors aisément condamner quiconque ose la contredire, et l’étiqueter intolérant, odieux et facho. Et d’ailleurs, le vocable de « bien-pensance » n’est-il pas devenu selon Wikipédia un marquer d’extrême-droite ? Le simple fait de la nommer vous accuse.

    Je prétends toutefois que c’est d’abord le règne de la perversité qui tue une civilisation, et non pas l’émulsion diarrhéique que sa médiocrité rampante régurgite vers le monde : les abrutis ont toujours été légion et l’obscurantisme invariablement prospère.

    Non, le problème, c’est quand on ne peut plus entendre ceux qui voulaient pourtant les attirer vers la lumière.

    Le cancer qui tue véritablement une civilisation, ce n’est pas non plus le contrôle ou la censure qui empêchent la dissidence éclairée d’émerger – bien que ces deux phénomènes y contribuent fatalement.

    Non non.

    La raison pour laquelle je développe ce raisonnement, c’est pour vous parler d’une force obscure bien plus puissante et mortelle, que certains psychologues appellent symboliquement « le monstre ».

    Ce monstre que pourtant personne ne parvient à nommer, c’est cette lumière noire que l’inconscient collectif accumule quand sa frustration ne trouve plus d’exutoire logique.

    C’est cela, qui peut abattre une civilisation.

    La psyché humaine a ceci de vulnérable que si elle ne peut exulter une juste colère, elle ne trouve de ligne de fuite que dans des formes plus ou moins complexes d’autodestruction.

    À échelle individuelle le suicide est souvent l’expression tragique d’un sentiment d’impuissance lui-même imposé par le refoulement de l’énergie vitale.

    À l’échelle d’une société, la décadence ne procède pas différemment : c’est quand notre nature ne trouve plus de débouché créatif dans la culture qui la réprime, qu’elle subit le phénomène d’apoptose.

    Même la sublimation dans la contestation, aussi astucieuse et esthétique soit-elle, finit par se heurter à une sensation lancinante d’impasse mortifère.

    Alors voilà ce qui est à vrai dire en train de se produire : il s’agit une accumulation de ces petites séquences anodines qui érodent pernicieusement notre énergie vitale.

    Si vous y pensez bien, c’est peut-être d’ailleurs la fonction de l’éthique, de l’esthétique, de toute connaissance, ou encore du récit de toutes nos interactions humaines : ordonner le réel, empêcher notre esprit si particulier à l’échelle du règne animal, de sombrer dans la folie à laquelle le chaos cosmique l’accule régulièrement quand il gravit les échelons de la pensée.

    Le politiquement correct au service de la perversion

    Nous n’avons peut-être jamais eu autant besoin d’un retour au simple bon sens.

    Or aujourd’hui, les Tartuffes ne sont plus des anomalies humaines se trémoussant à la cour du Roi, ils sont devenus le clergé gagnant dans un cadre médiatique et institutionnel rigide qui ne laisse strictement plus aucune place, ni à nos émotions en ce qu’elles ont de salvateur, ni à la moindre possibilité d’action correctrice.

    Les pervers n’ont plus de limite puisqu’ils ne peuvent plus être provoqués en duel : ce rituel aujourd’hui jugé barbare revêtait peut-être un rôle de garde-fou qui nous fait défaut aujourd’hui. Les cloportes agissent d’autant plus impunément quand on ne peut plus les éradiquer. Alors, dites-vous bien maintenant que les intrigants sont allés jusqu’à définir le Droit en leur faveur – au prétexte de nous civiliser.

    Et même la vertueuse patience, quand bien même serait-elle infinie, ne semble plus une solution acceptable dans un monde déjà exsangue, asséché par les parasites : on sent confusément que c’est trop tard.

    On sent confusément que le seul moyen d’en finir avec cette agonie lancinante, c’est de l’accélérer, de la laisser produire son terme logique : de sorte que le cycle se termine pour de bon. Une petite voix colérique nous susurre souvent : « qu’on en finisse pardi ! » Manière de tourner la page une bonne fois pour toutes.

    De là ce climat de nihilisme permettant aux limaces de prospérer. De là toute une jeunesse trouvant sur l’étagère de son bovarisme torturant, des idéologies prêtes à l’emploi : pour les orienter vers la déconstruction morbide de tous ces dogmes qui n’ont plus rien de rassurant. Il faut bien que la chair exulte. Que le non-Sens trouve un débouché. Le prêt-à-penser en offre un.

    La saine colère devient un impératif moral

    Alors que si nous pouvions la laisser exulter : cette colère que nous réprimons devant l’intimidation du politiquement correct, et qui tourne au ressentiment, à la sourde rage, au fiel ou au spleen, appelez ça comme vous voulez, mais qui dans tous les cas aspire notre énergie psychique et vitale, cette colère, cette colère, camarades – c’est la plus saine et la plus nécessaire des colères : nous devrions nous-mêmes renverser le récit dominant et en faire un devoir, au sens éthique vous savez, de cette notion que les forces du Mal ont passé des années à ringardiser, et c’est peut-être ça leur principale victoire – cette notion d’honneur.

    L’honneur.

    À partir du moment où nos ennemis ont réussi à culpabiliser cet élan, ce qui constitue leur suprême perversité, et je le répète, leur plus parfaite réussite, cette colère se transforme en cette étrange souffrance, en ce sentiment d’inquiétante étrangeté qui conduit à des degrés divers, plus ou moins symboliques, de refoulement et même, de castration de notre aspiration à notre propre dignité.

    C’est en quelque sorte une énergie que l’on retourne contre soi. Même Freud l’avait compris, lui qui a beaucoup développé sur le thème du suicide comme pulsion de colère refoulée trouvant un aboutissement logique dans l’autodestruction.

    Colère légitime, légitime colère ?

    Il faudrait écrire 1000 pages pour définir la notion même, si subtile et complexe, de colère légitime : mais si je devais employer un raccourci, dans ce contexte précis, quand la nullité prospère, se gave éhontément de nos propres impôts pour nous humilier et nous imposer son entre-soi méprisant, oui, la colère est l’évolution logique, impérieuse, salvatrice, du dégoût en réaction viscérale à l’insulte.

    Pourquoi ? – C’est simple : la colère est, dans sa version légitime, une des réponses épidermiques possibles à l’agression. La colère peut être une réaction biologique de survie.

    Ces gens nous agressent. Ils piétinent notre dignité, ils conchient notre bon sens. Ils parviennent à humilier jusqu’à nos racines et nos aspirations. Ils réussissent à mettre en danger l’avenir de nos enfants, pris au piège de ce monde aseptisé qui pervertit leurs pulsions dans les méandres de ces indicibles refoulements.

    « Merci pour le chocolat »

    Et cette façon qu’ils ont de nous agresser sans en avoir l’air, en souriant, en prenant la pose, en nous donnant des leçons de bienveillance et d’ouverture, de tolérance et de vertu ostentatoire, se trouve être la pire forme d’agression : parce que c’est celle du pervers (narcissique, doit-on le préciser, tant il s’agit d’un quasi pléonasme) dans toute sa splendeur néfaste.

    Le pervers distribue d’abord des friandises, des caresses, des flagorneries, il se planque derrière des principes moraux, il va même jusqu’à prétendre nous respecter, défendre nos intérêts, « aimer les gens ». Il singe la bonhommie et maîtrise les codes rituels de la bien-pensance : mais sa démagogie est bien une conquête, et cette conquête mielleuse et rhétorique est dans ses effets confiscatoire, invasive et morbide. Thanatos le dispute à Éros. L’émasculation chimique s’insinue dans les limbes de la vertu présentée comme un accélérateur de liberté, l’exaltation du vivre-ensemble, alors qu’elle impose subrepticement, insensiblement, un carcan mortifère sur les jeunes générations dans un processus de calcification anxiogène, méthodique et vicieux.

    Une simple brochette de perdants ?

    Quelqu’un dans les commentaires à cette vidéo, a provoqué sans le savoir cette rédaction : c’est une personne qui a écrit qu’elle ne voyait là qu’une « brochette de perdants ».

    Ah si seulement ce n’étaient que des tocards aigris.

    On pourrait ressentir une certaine sympathie pour les loosers : il arrive chez eux qu’éclose le bon côté de l’échec – quand il se traduit par un rebond vers un mélange d’humilité, de sagesse, de mélancolie…

    Or je ne pense pas qu’on ait de sympathiques perdants. Eux-mêmes se perçoivent comme autant d’étalons de la morale la plus aboutie, des narcisses baignant dans les effluves de leurs propres flatulences et persuadés qu’elles sentent le jasmin.

    Socialement, malgré leurs vicissitudes objectives et quelques revers de fortune qui nous ont fait croire bien à tort que, comme tout le monde, ils pourraient peut-être faire leur autocritique, ils font à vrai dire partie du sérail de la pensée autorisée qui estime ses échecs dus aux limitations de leurs congénères mais jamais à leurs propres insuffisances.

    Vous trouverez donc là, sur ce plateau accablant de médiocrité suffisante, le substrat de ceux qui condescendent à considérer le peuple des sans-dents au titre d’audience propice à la domestication. Rien de plus.

    « Qu’ils souffrent le spectacle de notre entregent : nous daignons marquer ici notre territoire. »

    Pour eux la biomasse humaine pue des pieds et suintent les traditions barbantes, elle a l’esprit, ou ce qu’il en reste, trop étroit pour qu’y entrent leurs idées du progrès et du sens de l’Histoire.

    À l’époque du media panoptique, le Mal ne ressemble plus à un obscur diablotin ricanant sous cape, éructant des menaces et convoitant grossièrement les passe-droits : il donne maintenant des leçons de morale et sourit sur les Unes de magazines people en nous imposant cet insupportable perversité, le mépris maquillé en vertu.

    Sous-estimer le refoulement, une erreur fatale

    Et pourtant plus que jamais, il faut le terrasser, quitte à avoir l’opinion contre soi.

    Parce que depuis le début de l’histoire humaine, il y a une chose sur laquelle régulièrement, et tragiquement, nos maîtres font l’impasse, pris dans l’ivresse de leur hubris : c’est qu’il sous-estime la puissance du refoulement.

    Le refoulement fonctionne comme le ressac de l’océan : plus la vague recule, et plus il y a de chances qu’elle revienne avec la puissance du tsunami.

    Commenter ailleurs : [Sur X]

    Frédéric Bascuñana
    Frédéric Bascuñanahttps://politoscope.fr
    Entrepreneur, citoyen engagé. J’observe avec tristesse mon pays perdre son honneur sous les exactions d’une caste cynique. Retrouvons notre dignité collective.

    Publications récentes :

    LAISSER UN COMMENTAIRE

    S'il vous plaît entrez votre commentaire!
    S'il vous plaît entrez votre nom ici

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

    Sujets pas si éloignés :

    Les racines du Mal – « La Marche Rouge », au-delà des Lumières, l’histoire interdite. Avec Marion Sigaut.

    Présentation Rencontre avec Marion Sigaut - animée en direct par Frédéric Bascuñana. L'histoire n'est jamais une science morte. Je la vois plutôt comme une braise immense, recouverte par la cendre épaisse des récits officiels, des mensonges...

    Marion Saint-Michel : « ils ne sont pas incompétents, leurs objectifs sont inhumains »

    Source : (Université d'Eté de la Résistance Dimanche 2025 14 septembre 2025)(1ère vidéo : à partir de 01:03:00 ; 2ème vidéo) Au-delà de la colère ou du sentiment d'impuissance face aux crises que nous traversons,...

    PPE3, L’insupportable trahison énergétique – analyse critique en 10 Points Clés

    (mise à jour importante : cette analyse, produite quelques jours avant le départ poisseux du premier ministre François Bayrou le 8 septembre 2025, reste plus que je jamais nécessaire en dépit du fait que...

    Manifeste du PIC : « Pirater le système », le plan radical d’un mouvement émergeant pour rendre le pouvoir au peuple

    Nous vivons sous le joug d'une oligarchie élective qui a perfectionné l'art de notre impuissance. Ce sentiment qui vous étreint n'est pas une fatalité, mais le résultat d'une ingénierie sociale sophistiquée. Face à...

    10 grands principes philosophiques, moraux et sociétaux capables de nous rassembler

    Une petite pépite trouvée sur X et publiée par le collectif de réinformation « mammie Bocock », qui propose « 5 principes philosophiques, moraux et sociétaux capables de nous rassembler ». En hommage à cette démarche stimulante, nous...