Nous avons tenté la synthèse sur l’excellent live organisé par Idriss Aberkane sur sa chaîne.
L’Éveil Politique : Une Conscience Constituante à Construire
Pour la première fois dans l’histoire humaine, la majorité de la population mondiale est politiquement éveillée. Ce constat, que Zbigniew Brzezinski avait déjà formulé dans Le Grand Échiquier, pose une question fondamentale : quelles en sont les conséquences réelles ? La réponse n’est pas évidente. Comme l’aurait répondu Deng Xiaoping à propos des effets de la Révolution française : « Il est trop tôt pour le dire. » Pourtant, l’éveil constituant populaire reste embryonnaire. Le véritable enjeu n’est pas simplement de définir la souveraineté, mais de comprendre les conditions de son avènement.
La Souveraineté : Une Illusion Sans Processus Constituants
Les souverainistes de droite, focalisés sur l’indépendance nationale, et ceux de gauche, défenseurs de la souveraineté populaire, partagent un point aveugle : ils n’interrogent pas le processus même qui permettrait d’instaurer cette souveraineté. Décrire ce que l’on souhaite n’est pas suffisant ; encore faut-il comprendre comment le rendre réel. Il est fascinant de constater que, malgré l’engouement pour les idées de souveraineté, rares sont ceux qui s’intéressent à la mécanique de leur concrétisation. L’éveil de la conscience constituante doit devenir viral, comme une épidémie positive. Lorsque suffisamment de personnes sont « alphabétisées » sur ces processus, cela crée un effet de seuil où la norme bascule.
L’Axiome de Schwarz : Désacraliser le Pouvoir
« Ce n’est pas aux gens de pouvoir d’écrire les règles du pouvoir. » Cette idée, d’une simplicité déconcertante, est révolutionnaire. Reformulée pendant les manifestations des Gilets jaunes : « Ce n’est pas aux représentants d’écrire les règles de la représentation, mais aux représentés. » Ce principe transforme la façon dont nous concevons la citoyenneté : au lieu d’être de simples spectateurs désabusés, nous devenons des acteurs légitimes de nos institutions. En débattant de lois sans pouvoir législatif, nous participons à des discussions oiseuses, un simulacre de démocratie. Il est temps de réaliser que la porte de la prison est déjà entrouverte—il suffit de la pousser.
Médias et Monnaie : Les Véritables Pouvoirs
La séparation des pouvoirs, héritée des Lumières, se limite souvent à l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Mais deux autres sphères échappent à ce contrôle : le médiatique et le monétaire. Le pouvoir médiatique façonne l’opinion publique, tandis que le pouvoir monétaire, par la création de la monnaie, achète l’influence et la conformité. La démocratie ne peut exister sans que le peuple exerce un contrôle direct sur ces deux leviers fondamentaux. Il ne s’agit pas seulement de posséder des médias indépendants, mais de protéger constitutionnellement l’information contre la corruption des intérêts privés.
Le Journalisme comme Contre-Pouvoir
Un journaliste digne de ce nom est, par définition, un inquiéteur de pouvoir. Loin d’être un simple rapporteur de faits, il incarne la fonction de sentinelle du peuple. Le problème actuel n’est pas le manque d’informations, mais leur distorsion par des intérêts économiques qui achètent la presse comme on achète des actifs. La solution ? Définir le journalisme dans la Constitution, créer des chambres de contrôle citoyennes, indépendantes, financées par des fonds publics mais sous surveillance populaire, et protéger les médias de toute forme de propriété privée concentrée.
Le Tirage au Sort : Un Antidote à la Ploutocratie
L’élection, souvent perçue comme l’incarnation même de la démocratie, est en réalité un outil de domination. Elle favorise systématiquement les plus riches, qui utilisent leur puissance financière pour façonner les résultats. En revanche, le tirage au sort offre une représentation authentique de la société. Cette pratique, largement utilisée à Athènes, garantit l’accès de tous aux décisions publiques, indépendamment de leur statut économique. Mieux encore, il favorise l’émergence de l’intelligence collective, car la diversité des points de vue enrichit le débat.
Instituer des Chambres de Contrôle
Chaque pouvoir doit avoir son contre-pouvoir. C’est une martingale universelle : pour chaque institution créée, il faut un mécanisme de surveillance indépendant, doté de moyens financiers, de pouvoirs d’enquête et de sanctions. La Cour des comptes, par exemple, dénonce des abus mais n’a aucun pouvoir contraignant. Il faut des institutions capables de juger, de trancher et de punir les abus de pouvoir. C’est la seule façon de garantir l’effectivité des droits fondamentaux.
Vers une Nouvelle Culture Politique
La démocratie ne se résume pas à voter plus souvent. Il s’agit de décider autrement. L’intelligence collective n’émerge pas par magie ; elle résulte d’un processus où des citoyens, tirés au sort, débattent, se forment mutuellement et conçoivent des solutions. Les mouvements sociaux comme celui des Gilets jaunes ont démontré que l’éveil politique peut naître de la conflictualité. Mais pour que cet éveil devienne structurel, il faut des institutions qui le canalisent et l’entretiennent.
Réapprendre à Exercer le Pouvoir
Le plus grand obstacle à la démocratie réelle, c’est la peur de la responsabilité. Nous avons été conditionnés à croire que nous ne sommes pas capables d’exercer le pouvoir. Pourtant, l’histoire récente montre le contraire : des assemblées populaires, même dans des conditions défavorables, produisent des décisions plus éclairées que les cercles d’élites. Il ne s’agit pas seulement de réclamer des droits, mais d’apprendre à les exercer.
Le Pouvoir Populaire : Reprendre Ce Qui Nous Appartient
L’Illusion de l’Incapacité
Depuis trop longtemps, on nous fait croire que le pouvoir est un exercice réservé à une élite, que l’écriture d’une constitution ou la gestion d’un pays sont des affaires trop complexes pour le citoyen ordinaire. Pourtant, chaque atelier constituant prouve le contraire. Nous sommes capables, non seulement de réfléchir aux règles qui nous gouvernent, mais aussi de les écrire. Le véritable obstacle n’est pas notre incapacité, mais l’invisibilité de ces espaces de débat et de construction collective, maintenus loin des projecteurs médiatiques.
L’Exercice de la Souveraineté : créer et Conduire
Il ne s’agit pas seulement de concevoir des structures démocratiques, mais de les faire vivre. Fabriquer la voiture n’est rien si nous n’apprenons pas à la conduire. Là réside le défi : démontrer que chacun peut être législateur, non par un statut conféré, mais par l’action même de décider. Les crises sociales, comme celles des Gilets jaunes, révèlent cette force dormante. Ce n’est pas un discours qui convainc, mais l’expérience directe de l’action collective.
Le Mythe des Élus Compétents
Pourquoi persiste-t-on à croire que les élus sont les plus compétents pour décider en notre nom ? Peut-être parce que nous les plaçons sur des piédestaux imaginaires, oubliant que leur autorité repose souvent sur notre abdication. Comme Spartacus face aux sénateurs romains, il est temps de réaliser que nous ne sommes pas inférieurs. La véritable compétence réside dans la capacité à s’organiser, à discuter, à délibérer. Les révoltes naissent de cette prise de conscience.
Le Cycle des Crises : catalyseurs de Conscience
L’histoire est rythmée par des périodes d’accalmie où le capitalisme semble stable, et des moments de crise où tout s’effondre. Ce sont ces fissures qui laissent entrevoir la vérité : nous dirigeons déjà cette société par notre travail, notre création de valeur. De la Commune de Paris aux soviets de 1917, des mouvements populaires ont démontré qu’ils pouvaient prendre en main non seulement les institutions politiques mais aussi l’organisation économique. Les crises ne sont pas des malédictions, mais des opportunités d’éveil.
La Crise comme Prélude à l’Organisation
Il faut cesser d’attendre des réformes d’en haut. Les révolutions ne naissent pas dans les salons feutres des parlements, mais dans la rue, sur les ronds-points, dans les assemblées populaires. Chaque atelier constituant, chaque réunion, chaque débat est une pierre à l’édifice de l’émancipation. La préparation en temps de « paix » permet d’être prêts lorsque la tempête arrive. Il n’y a pas de hasard dans le surgissement des idées constituantes au sein des Gilets jaunes : c’est le fruit d’années de semailles invisibles.
L’Abomination de l’Élection : un outil de domination
L’élection, loin d’être un acte démocratique, est un mécanisme de dépossession. Choisir un représentant, c’est renoncer à décider soi-même. C’est confier son pouvoir à une personne souvent cooptée par des intérêts économiques dominants. L’élection permet aux riches d’accéder au pouvoir, de façon subtile mais efficace. C’est une illusion de choix. Le vrai pouvoir réside dans le vote direct sur les lois, pas dans la désignation de ceux qui décideront à notre place.
Le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) : l’arme de la Démocratie
Le RIC n’est pas une revendication parmi d’autres. C’est la clé de voûte d’un système démocratique authentique. Avec le RIC, le peuple n’a pas besoin de supplier ses maîtres pour obtenir des réformes : il peut décider directement. Son efficacité réside dans sa simplicité : un seul argumentaire à maîtriser, une seule procédure à mettre en place pour récupérer notre souveraineté. L’histoire des Gilets jaunes montre à quel point cette idée peut galvaniser une mobilisation.
Les Médias : instruments de Contrôle ou d’Émancipation ?
La liberté d’expression est un pilier de la démocratie, mais que vaut-elle si les moyens de communication sont concentrés entre les mains d’une oligarchie ? Le contrôle des médias par les puissants déforme la réalité, oriente l’opinion, empêche l’émergence d’idées subversives. Reprendre le contrôle des médias, c’est libérer la parole, permettre des débats véritables, créer des espaces où la pensée critique peut s’épanouir. Sans médias indépendants, pas de démocratie.
L’Héritage des Luttes : construire la Mémoire et la Continuité
Chaque mouvement social, chaque révolte laisse des traces. Le véritable enjeu est de transformer ces expériences en savoir-faire transmissibles. Il ne suffit pas de se mobiliser ponctuellement ; il faut créer des structures capables de pérenniser l’élan révolutionnaire, de conserver la mémoire des luttes, d’outiller les générations futures. C’est en construisant des réseaux solides, des médias alternatifs, des ateliers de formation politique, que nous préparons les victoires de demain.
Conclusion : l’action Comme Seule Issue
Il n’y a pas de sauveur. Il n’y a pas d’élite bienveillante qui viendra corriger les dérives du système. La solution est en nous, dans notre capacité à nous organiser, à décider collectivement, à récupérer ce qui nous a été volé : notre souveraineté. L’avenir appartient à ceux qui osent le réclamer.